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congo-news
16 août 2006

Le terminal pétrolier de Djeno, l’enfer des populations.

Un cauchemar nommé pétrole ?

A quelques kilomètres de Pointe-Noire, le petit village de Djeno abrite depuis 1972 le terminal pétrolier d'Elf. Après quatre poses de la première pierre, la nationale 4 qui y mène est fraîchement bitumée, chose rare au Congo. Y arrive par des pipelines sous-marins le pétrole pompé en mer pour y être stocké avant d'être rechargé sur des cargos. A une dizaine de kilomètres, Djeno s’annonce : à l'horizon une fumée noire, et une odeur fétide d'oeufs archi pourris entêtante. A quelques centaines de mètres, des cuves de stockage, un café, puis un autre, des maisons qui n'ont de nom que de rudimentaires toitures et des murs délabrés, une église pour amadouer les pauvres populations, une école, avec ses 320 élèves, un centre de soins, une aire de jeu chauve comme un crâne dégarni : pas de gazon.

Plus de 1.200 personnes cohabitent avec le terminal et ses émanations de soufre. En effet, le HS (je me rappelle encore mes cours de chimie organique) vient du gaz non brûlé qui s'échappe quand le vent crée un espace entre le haut de la torchère et la flamme; quand son taux atteint 10 à 25%, vous le sentez, quand il atteint 40%, vous ne le sentez plus, vous êtes morts. La population de Djéno ne dispose d'aucune protection, contrairement aux ouvriers du terminal équipés de masques à gaz, pour le port duquel ils touchent une prime de 1.500 francs CFA par jour. C'est surtout la torchère Agip (Eni) qui crache du soufre, dit-on chez Total. Selon Daniel Levigouroux (encore un Français), responsable de la sécurité et de l'environnement de Total E&P Congo, " la gêne est seulement olfactive ". Belle façon de minimiser les effets collatéraux !

La pollution et le faible impact économique exaspèrent les riverains

Parce qu'ici le terminal pollue mais emploie aussi, les langues ne se délient pas aisément. Le chef du village, M. Batchi, refuse de s'exprimer depuis un an. Dans son entourage, on justifie ce mutisme par les menaces de licenciement qui ont suivi : le chef Batchi est contrôleur au Terminal. Total s'était entendu avec les habitants et réserve 50% des postes non qualifiés à des ressortissants de Djéno. Mais cette main-d'oeuvre non qualifiée n'est pas directement employée par Total, elle passe des entreprises sous-traitantes congolaises (2 000 employés contre environ 500 chez Total). Toutes ces entreprises sous-traitantes sont entre les mains des proches du pouvoir. Ouf ! même là-bas !

La proximité du terminal exaspère les villageois; car les populations savent que cette terre a été " achetée " à leurs grands-pères par Elf pour quelques jarres de vin rouge (ou'nlokso), un peu de cola et quelques milliers de francs. Et qu'ils payent aujourd'hui les " conséquences" , nous raconte un vieil homme (Tchikandzi) qui se souvient de l'atterrissage de l'hélicoptère d'Elf en 1972 et du quadrillage du périmètre par les forces armées. Encore aujourd'hui, une cinquantaine de miliciens " Cobras " se relaient pour garder Djéno. Dans le passé, exaspérés et mus par une furie incontrôlable, les jeunes du village avaient pillé la maison de loisirs construite par Total." Une très mauvaise contre- publicité pour nous ", déplore Serge Bouiti-Viaudo, responsable de la communication de TotalE&P Congo, qui suivait les relations avec le village.

La santé et l’environnement laissés pour compte

Il est néanmoins des pans essentiels de la vie des habitants de Djéno sur lesquels les compagnies pétrolières n'interviennent pas. Certes elles reconnaissent désormais l'existence de pathologies provoquées par la pollution, lâche Basile Ndomba, l'infirmier du dispensaire de Djéno, mais aucune mesure compensatoire sanitaire, comme des médicaments, n'ont été prises. En 1998, quatre ans après la création du centre de soins de Djéno par la fondation Elf, le contrat du pétrolier avec le gouvernement prend fin. Depuis,

la Croix Rouge

française fournit les médicaments. Allergies cutanées, problèmes respiratoires, diarrhées... Les personnes fragiles (personnes âgées et enfants) payent le plus lourd tribut à la pollution. L'assistant médical voudrait que Total adopte la co-gestion directe du centre de santé, sur le modèle déjà appliqué ailleurs par l'américain Chevron Texaco, afin que " l'aide et les crédits ne soient plus gérés en amont, ce qui les rend souvent inefficaces car dérobés par des gens véreux ".

A l'inverse des conséquences néfastes reconnues sur la santé, l'impact environnemental du terminal aux alentours de Djéno n'est pas prouvé chez Total. " La décroissance des rendements agricoles n'est pas directement liée à notre activité, comme l'a prouvé le cas de l'usine de Lacq. Nous attendons les recommandations d'un cabinet externe pour nous prononcer, mais je ne pense pas que les problèmes du manioc soient liés à notre exploitation du Terminal ", estime encore et toujours Daniel Levigouroux, qui est plus un gourou qu'un analyste, comme Levi-Strauss. Une cause incertaine en l'absence d'études scientifiques indépendantes, avec des conséquences bien réelles. A

4 kilomètres

de Djéno, un agriculteur et enseignant à l'école d'agriculture de Djéno, montre les feuilles de manguier recouvertes d'une pellicule noire compacte. Depuis l'an passé et l'apparition de ces couches, M. Makay'a note une faible cueillette de fruits. " Il suffit que je respire pour savoir qu'un bateau est venu chercher sa cargaison d'huile sacrée à Djéno ", déplore-t-il.

Rivière rouge, la sale

Si à terre, le Terminal de Djéno focalise les inquiétudes, il n'est pourtant pas le plus pollué. C'est au nord de Pointe-Noire, vers Loango en remontant sur les traces d'Elf à son arrivée au Congo, que se situe la rivière rouge. Depuis plusieurs dizaines d'années, Total n'exploite plus ce puits laissé à Zetah Congo (entreprise dans laquelle Ngokona est gros actionnaire), la filiale de Maurel&Prom au Congo. Ce qui ne va pas empêcher le pétrolier, Elf, de dépolluer. En cause, 4 à 5 bacs de stockage et des bourbiers rendus par Elf à

la Coraf

voici plusieurs années, encore viables. Mais Zetah les a laissés pourrir et se dégrader en peu de temps, en laissant procéder à des excavations sauvages de sable sur les remblais, mettant en péril l'isolement des bourbiers. A la fin de 2003, Total aura dépollué le site. Coût de l'opération pour l’opérateur : 1,5 million d'euros. Mais...allez demander comment ladite somme fut gérée !

Le filet d'un bateau de pêche s'accroche à la vanne de la bouée où les cargos viennent s'amarrer au large de Pointe-Noire pour être chargé. 15.000 barils s'échappent. Le pollueur (Total) tente d'abord de cacher l’information; mais la très corrompue marine marchande tombe sur le caviar, en repérant une nappe. L'amende est fixée à 150 millions de francs CFA. Cette bagatelle fut broyée comme des cacahuètes par des bouches de margoulins insatiables. Triste, hein ? A terre, Zetah Congo est aussi épinglé: 25 millions de francs CFA pour défaut de l'agent de sécurité qui veillait près du puits de Loango, sans gants, ni masque à gaz, ni permis de travail. En revanche, ces gens véreux, loin de Pointe-Noire et de Djéno se soignent, au moindre bobo, à Lariboisière et

la Salpêtrière

, Paris. N'est-ce pas là le vrai génocide ?

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